La fille de l'air (Epilogue)
C'est l'épisode spécial de La fille de l'air, j'espère que cette histoire vous a plu ! En tout cas, moi, j'ai pris un réel plaisir à l'écrire. Et ne vous y trompez pas, j'ai de quoi écrire également la semaine prochaine alors je vous dis... rendez-vous demain pour une nouvelle histoire !
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Ara était
dans cet amphithéâtre blanc. Toutes les silhouettes étaient là,
autour d'elle. Elles la regardaient, elles chuchotaient. Ara était
face à celles dont elle avait vécu les vies, toutes les nuits
depuis plus d'un mois. Parmi elles, il y en avait beaucoup dont elle
ignorait le passé, mais elle était capable de le deviner. Toutes
attendaient avec anxiété ce que la jeune fille allait dire. Elles
hantaient les rêves, pas la réalité, alors il leur était
impossible de savoir si le roi était mort. Ara, elle, persistait à
se taire. Elle ne se sentait pas encore prête. Elle les regardait
toutes, une par une. Elle essayait de se souvenir de leur histoire.
Elle remarquait plus facilement les marques, les bleus, les
cicatrices, les brûlures. C'était tout ça qui les maintenait
encore là. Sans ça, elles seraient déjà parties.
Un violent combat se
déroulait dans l'âme d'Ara. Elle revoyait ce qu'elle avait vécu,
elle revoyait les larmes, les rires, elle retraçait son chemin. Elle
voyait Eni, elle voyait Nepos, elle voyait son père. C'était le
temps du bilan. Elle avait marché, elle s'était battue et
aujourd'hui, elle se trouvait face à son passé, à la croisée de
son présent et de son avenir. Ce que les mortes attendaient n'était
pas une simple phrase. Ce qu'elle allait dire était un engagement,
c'était la voie qu'elle allait choisir. Elle se souvint du dernier
rêve qu'elle avait fait. Elle se souvint de la fille de l'air. Elle
revit le plaisir qu'elle prenait à courir dans les nuages.
C'était la fin du
voyage. Ara avait couru dans les nuages, elle aussi, et puis elle
avait grandi. Elle avait pris au sérieux sa propre existence, elle
l'avait défendue, elle l'avait affirmée. Aujourd'hui, elle
n'appartenait plus qu'à elle-même. Elle était libre de ses choix,
libre de choisir le chemin qu'elle prendrait. Et ce qu'elle voulait
plus que tout, c'était la liberté. La liberté dont elle avait tant
rêvé quand elle était plus jeune. Son voyage lui avait appris que
cette liberté ne pouvait être inconsciente, car alors la
culpabilité la poursuivrait toujours pour la condamner. Tout ce
qu'on lui avait dit résonnait dans la tête d'Ara. Tous les
conseils, les impératifs, les leçons...
Face à elle, les
silhouettes patientaient. Elles avaient confiance en Ara. Depuis le
début, elles lui avaient fait confiance : elles avaient mis
leur existence entre ses mains, et lui avaient donné la
responsabilité de l'existence de celles qui viendraient après
elles. Elles attendaient le mot de la fin. Pour elles aussi, cette
déclaration allait tout changer. C'était une porte ouverte vers la
résurrection. Une étoile dans le ciel.
- Le roi est mort.
-Le roi est mort, vive le
roi !
Eni avait distrait les
gardes. Il avait tenu longtemps car il avait beau faire, il
n'entendait ni les pensées d'Ara ni le cri du roi. Impossible de
savoir quand la besogne serait faite, si Ara avait réussi. Au bout
d'un certain temps, il avait du s'échapper pour de bon afin de ne
pas être pris. Il avait traîné dans les rues anxieusement toute la
journée, en priant pour rencontrer Ara par hasard. Il se sentait mal
à l'aise, mais il n'arrivait pas à dire pourquoi. On aurait dit
l'ombre de lui-même. Il traversa bien trois ou quatre fois la ville,
de long en large, et l'aurait fait une cinquième fois si la nuit
n'était pas tombée. En voyant que l'on commençait à allumer les
lampadaires, Eni rentra derechef à la taverne où ils avaient rendez-vous. Il avait un mauvais
pressentiment. Il avait peur qu'elle ne l'attende pas. Une sueur
froide coulait sur son front, une anxiété qu'il n'avait encore
jamais éprouvée le gagnait peu à peu. Il arriva aussi vite que
l'éclair, demanda si son amie était là, et face à la réponse du
tavernier, il décida d'aller attendre dans un coin. Il but une bière
pour patienter, puis une autre. Puis une autre. Il faisait confiance
à Ara, elle ne lui avait jamais menti, elle ne le ferait pas cette
fois-ci non plus. Ara ne se montra pas de la soirée. Il fallut
monter Eni dans son lit. Le lendemain, elle n'était toujours pas
réapparue. Et il avait beau penser à elle, il n'arrivait pas à la
contacter. Ses disques restaient blancs. La tenancière s'inquiétait
de le voir dépérir aussi rapidement et lui demanda son histoire.
Eni édulcora et lui raconta.
- Oh, elle vous a plaqué,
voilà tout. Pleurez un bon coup, ça ira mieux après.
Dans les rues, on
proclamait la mort du roi. On organisait les funérailles nationales.
On préparait le couronnement de son successeur. Eni, lorsqu'il s'en
rendit compte, comprit ce qui s'était passé. Ara avait fait ce que
tout le monde attendait d'elle, et maintenant, elle était libre.
Lui, comme Nepos, représentait ce qu'elle ne voulait pas faire, ce
qu'elle ne voulait pas être. Il était cet étranger qui était
apparu dans sa vie trop brutalement et lui avait demandé
l'impossible. Le roi était mort et Ara était libre. Fin de
l'histoire.
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