La fille de l'air (25)
Parce que les meilleures choses ont toujours une fin !
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Ils s'étaient tous
immobilisés en voyant le visage d'Ara. Eni fit remarquer que ce
silence pouvait les faire repérer. Ara en pris bonne note et avança.
Eni était derrière elle, il ne voyait plus son visage. Ils
continuèrent à avancer dans les couloirs. Ils passaient devant des
portes au travers desquelles on entendait des rires étouffés, des
discussions, des bruits de vaisselle et de meubles brassés. Ils
marchaient vers leur destin. Derrière ces portes, les autres
menaient leur vie de tous les jours. Ara était un fantôme que
beaucoup avaient oublié. Si dans les rues, tout le monde n'était
pas forcément mis au courant de l'existence de la maudite, au
château, chacun des habitants recevait une explication très claire
à ce sujet. Le roi en personne leur disait comment
agir avec la maudite. Tant que son identité n'était pas connue, on
murmurait dans les couloirs. Une fois sacrifiée, tout le monde
respirait jusqu'aux fiançailles du prochain roi. Quand Ara jouait à
cache-cache avec ses sœurs, derrière ces portes, elle n'entendait
rien que le silence de ceux qui tremblent. Au moment même où elle
pensait à ce souvenir, elle entendit des rires francs derrière la
porte devant laquelle ils passaient. Un cousin qui s'amusait avec une
femme de ménage, apparemment. Ils montèrent aux étages supérieurs.
Ara connaissait vraiment chaque recoin du château. Ils durent
reprendre les couloirs normaux au bout d'un certain temps, mais elle
savait où se cacher pour ne pas être vue des gardes qui faisaient
leur patrouille. Ils arrivèrent enfin devant la porte de la chambre
du roi. Les deux gardes postés à l'entrée indiquaient qu'il était
bien là.
Ara pouvait facilement
passer la porte à l'aide d'un disque, mais elle prenait le risque
d'alerter la garde une fois à l'intérieur. Elle confia à Eni la
mission capitale d'éloigner les gardes de la porte quelques
instants.
- Mais toi, ça va aller
toute seule ?
Ara ne répondit pas.
Depuis le début, elle était toute seule. À son regard, Eni comprit
ce qu'elle voulait dire. Il lui prit les mains, les serra le plus
fort qu'il put, la regarda droit dans les yeux et lui dit :
- On se retrouve ce soir à
la taverne, quoiqu'il arrive.
Ara hocha la tête. Il
lâcha ses mains et se montra dans le couloir. Les gardes vinrent
immédiatement lui demander ce qu'il faisait là. Ils ne remarquèrent
même pas la jeune fille qui traversait un disque, et, pourtant, elle
était juste à côté d'eux.
La veille de leur
équipée, Ara avait rêvé qu'elle s'échappait. Elle avait rêvé
d'un château où personne ne s'attendait à ce qu'elle ait de
quelconques capacités. Et pourtant, elle courait dans les nuages,
créait des disques, arrêtaient les flèches dans leur course,
brisait des murs, faisait apparaître des images dans le feu,
contrôlait l'eau. Alors que ses oncles savaient encore faire tout
cela, aucun de ses frères, aucun de ses cousins n'y parvenait. Elle
seule le pouvait encore. Au début, ils la regardaient avec
curiosité. Et puis cette curiosité s'était transformée en
jalousie. Elle avait vu leur amour tourner en haine. Leur admiration
en dégoût. Elle n'était pas assez jeune pour ne pas comprendre que
ce que l'on jugeait ce n'était pas elle, c'était ce qu'elle volait
à ses frères, à ses cousins. Tout le monde redoutait qu'elle ne le
vole aussi ses fils, et à leur fils. Elle, elle avait peur de
mourir, mais la plupart s'en fichait. Sa mère elle-même l'avait
reniée, disant que les enfants qu'elle mettait au monde n'étaient
pas aussi égoïstes. Ce soir-là, tous les hommes de la maison
s'étaient réunis pour décider de son sort. Elle ne sentait que
trop bien qu'elle serait leur décision, alors elle décida de
disparaître. Elle s'enfuit. Certains l'avaient vue, mais ignorant la
situation, ils n'avaient rien fait. Cachée loin des murailles, elle
vit des têtes sur des piquets le lendemain matin. Elle se réfugia
désespérément dans une ville escarpé dans la montagne. Son père
ne put l'atteindre, mais sa conscience, si. Elle débattit avec
elle-même pendant des mois sur la résolution qu'elle devait
prendre. Devait-elle se cacher ou agir ? Elle dormait peu,
vivait en faisant la manche. Elle pensait à ce qui pourrait arriver
après sa mort. Un vieux mendiant l'avait prise sous son aile, et
faisait croire aux passants qu'elle était sa fille. Un jour, il
mourut, comme ça, sans raison. On enleva son corps, elle était
restée là. La mort du mendiant n'avait rien changé. Un aristocrate
de la ville mourut également, quelques temps après. Et sa mort à
lui non plus ne changea rien. Le monde resta le même. Alors, elle se
dit que si la mort avait si peu d'importance, la vie ne devait pas en
avoir davantage. Elle se dit que les dieux jouaient un tour aux membres de
sa famille. Elle était sûre que tout redeviendrait normal à la
prochaine génération. Mais elle ne pouvait pas rentrer. Alors elle
décida de profiter du temps qui lui était donné et alla courir
dans les nuages. Et elle se surnomma elle-même « la fille de
l'air ».
FIN.
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