Dies Contemptio (5)
Vous avez remarqué ? La publication de Dies Contemptio suit exactement le calendrier ! Si c'est pas intelligent, ça ! ^-^ Le 5ème épisode pour le 5 mars !
Résumé des épisodes précédents :
Eyma a juré de se venger d'une magicienne malveillante qui a tué toute sa famille. Elle seule a survécu car son cœur, placé au milieu de la poitrine, n'a pas été transpercé par le poignard de la sorcière rouge. Toutefois, Eyma n'est pas magicienne. Elle demande l'aide à un devin local, d'apparence réticent, afin d'acquérir les capacités physiques qui lui permettront de mettre fin à la folie meurtrière de la sorcière rouge.
Le
devin ramena Eyma à l'intérieur. Il allait aider la jeune fille, mais
avant cela, il voulait consulter les dieux. Il craignait leur jugement. Si laisser Eyma avoir accès à la magie était contre leur volonté, il redoutait les conséquences que cela pourrait avoir.
Il
s'assit au centre de l'unique pièce de la cabane. De sa poche, il tira de vieux dés usés. Il les prit à deux mains et demanda à Eyma de s'asseoir. Il n'ajouta rien et ne lui expliqua rien. Elle se
mit en face de lui et regarda attentivement ce qui se passait, sans oser intervenir.
Le
devin fit s'entrechoquer les dés dans ses mains, d'un rythme régulier
et ininterrompu. Il fixait intensément Eyma. Ce regard, posé sur elle,
aspirait la jeune fille, elle ne voyait plus rien d'autre. La pièce
s'était assombrie, et une brise légère semblait provenir des mains
fermées du devin. Quelques minutes auparavant, c'étaient des dés qui étaient entre ses doigts. À présent, Eyma n'était plus sûre de rien... La brise légère semblait chercher le contact de sa peau et dans les yeux qui la fixait, elle ne reconnaissait déjà plus le devin avec qui elle discutait quelques minutes auparavant. Une puissance étrange mais
extraordinaire avait envahie la pièce.
Soudain, le devin ferma les yeux, et quand il les rouvrit, ils étaient blancs comme
lait. Un grondement sourd se fit entendre et Eyma comprit qu'il était
possédé. La crainte la paralysait, mais ce qu'elle savait ensorceler le
devin ne l'effrayait pas. Elle redoutait ce qu'il allait dire bien plus
que ce qu'il pouvait faire.
En
réalité, il ne dit rien. Il fixait Eyma, de ses yeux vides. Son regard
se fit de plus en plus terrible, il lui glaçait le sang. Elle avait
l'impression qu'il lisait en elle, comme dans un livre ouvert, qu'il
l'examinait sous tous les angles, qu'il fouillait son passé, qu'il
vérifiait chacune de ses actions. C'était pire qu'être nue, car sa peau
ne pouvait pas cacher ses pensées, ses espoirs, ses craintes, ses rêves.
Ses désirs de vengeance.
Tout
à coup, tout s'arrêta. Le devin rouvrit les mains, lâcha les dés et la
cabane reprit son aspect normal. La séance était terminée.
Le
chiffre sept s'affichait sur la face des dés : il fallait en conclure
que les dieux étaient favorables à l'entreprise d'Eyma... il fallait
croire qu'ils condamnaient la sorcière rouge.
Le
devin se leva, et dit à Eyma de se préparer. Elle lui demanda ce qu'il
avait vu, mais il ne voulait pas répondre. Il avait l'air bouleversé.
Il
fit asseoir Eyma sur le lit et prit sa main. Avant de réveiller ce
qu'elle voulait réveiller, il voulait lui montrer ce qu'il allait
faire : il sortit une aiguille à coudre de sa poche et la frotta contre
sa cuisse. Un fil bleu, ténu mais étincelant, apparut peu à peu dans le
chat de l'aiguille. Alors, au-dessus de la main d'Eyma, le devin se mit à
faire comme s'il était en train de broder. Malgré la qualité
surnaturelle du fil, Eyma ne put s'empêcher de sourire en le voyait
faire sa broderie en l'air. Il leva des yeux fâchés sur elle et lui dit de
regarder sa main.
Un
motif bleu s'y dessinait, au fur et à mesure que le devin faisait sa
couture. C'était une jolie petite fleur qui brillait sur sa peau. Le
devin levait pour la dernière fois l'aiguille lorsqu'Eyma ressentit une
vive douleur à la poitrine, à l'endroit même de sa blessure. Le devin ne
semblait pas surpris. La douleur s'accrut et devint presque
insupportable. On tirait sur ses chairs meurtries, on mettait les doigts
dans la plaie, on refaisait couler le sang. Sur sa peau, tout était
déjà refermé, ce qui faisait que sa douleur était la pire des douleurs :
celles qui sont renfermées à l'intérieur de nous-mêmes et dont la cause
est notre corps lui-même. Elle pleurait en silence ; elle avait trop
mal pour parler. Elle questionnait le devin du regard. Il daigna enfin
lui répondre.
Cette
broderie sur sa main éveillait pour quelques tours de passe-passe la magie qui était en elle. Elle pouvait aussi la soigner, mais cela aurait des conséquences : la broderie disparaîtrait. Et
effectivement, la fleur s'effaçait. Au dernier pétale disparut,
Eyma n'aurait plus de pouvoirs. Cette fleur, c'était juste un exemple. La disparition de cette petite fleur n'était d'aucune importance. Le dessin définitif, en revanche, devait à tout prix ne jamais s'effacer. S'il pourrait soigner plusieurs blessures, elle devait prendre garde de ne plus jamais recevoir de coup aussi grave que celui du poignard. Le dessin s'effacerait un peu plus à chaque plaie soignée. Si jamais le fil se dérobait, alors Eyma pourrait faire une croix sur la magie. Pour toujours.
La
jeune fille hocha la tête. La douleur s'estompait avec le dernier
pétale de la fleur. Elle défit le bandage de sa poitrine. Sa peau était
aussi blanche que celle de sa main. Nulle plaie, nulle cicatrice. Tout s'était envolé dans le souffle du vent.
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