Dies Contemptio (1)
Est-ce que La fille de l'air vous a plu ? Je suppose que qui ne dit non consent...
Voici donc ma nouvelle grande histoire ! Dies Contemptio !
Voici donc ma nouvelle grande histoire ! Dies Contemptio !
Tout
d'abord, du noir. Une ombre glissait discrètement derrière les maisons, invisible. Le village dormait encore, tout était paisible.
La nuit enveloppait de son manteau l'existence de tout être, le sommeil
gouvernait les hommes et les ténèbres protégeaient leurs ennemis. Dans
le silence, quelque chose cherchait à avancer. C'était indécis,
incertain. C'était pressé et discret. Cette chose voulait échapper aux
regards. Elle était venue de la forêt, et elle se dirigeait vers le
château.
Jean
se dandinait sur le trottoir. Il avait bien bu ce soir-là, il ne marchait pas
droit. Il avait mangé son salaire du jour, sa femme allait le tuer. Il
n'était donc pas très pressé de rentrer ; il traînait, finissant la
bouteille de vin rouge qu'il tenait à la main. Jean était un bon
buveur : non seulement il pouvait boire énormément, mais encore l'alcool
ne lui faisait aucun mal, il le rendait jovial. Il pardonnait à tous
ses ennemis, offrait des tournées (qu'il ne pouvait pas payer), parlait
du bon vieux temps, de ces événements que tout le monde aime ressasser,
enfin bref, il mettait tout le monde à l'aise. L'aubergiste l'aimait
bien pour ça : quand il était bourré impossible que la soirée finisse
mal. Jean avait bu plus que de coutume ce soir-là. Il fredonnait un
petit air guilleret sur le chemin, pour oublier sa femme. À l'angle
d'une rue, il croisa une étrangère.
L'ombre
s'arrêta. Ces yeux qui la fixaient étaient comme une lumière qui
brillaient sur son obscurité. C'était la flamme dans la nuit, les
tambours dans le silence d'une crypte. Ces yeux n'étaient pas sobres, ils étaient clairvoyants : l'homme se mit à crier à pleins poumons, à
donner l'alerte, à réveiller tout le village. Alors l'ombre se mit en
colère. Jusque là, elle voulait passer sans faire de vagues. Jusque là,
elle gardait sa rancœur, sa haine pour tous ces pécores. Elle les
détestait tous, mais elle n'avait pas décidé de leur faire du mal.
Cependant, cet ivrogne était passé par là. Il l'avait regardée d'un air
béat, comme s'il ne comprenait pas, tout d'abord, et puis son regard
était devenu intense. Il allait l'accuser et elle ne pouvait le
supporter. Elle devint volcan et ses propres yeux jetèrent des flammes ;
l'homme s'embrasa et disparut en hurlant. Elle se hâta ; elle n'avait
plus le temps. D'autres vinrent, et ils s'embrasèrent comme le premier.
Les hommes mirent le feu aux maisons en courant, et dans la panique l'ombre put
enfin être discrète. Elle détestait ces paysans aussi stupides
qu'insouciants, ruminant dans leur fumier les idées fausses données par
ceux d'en haut... mais elle n'était pas venue pour eux, elle devait se
le rappeler. Ces moins-que-rien se mettaient toujours en travers de son
chemin... et périssaient à cause de leur bêtise. L'ombre marchait
résolument vers le château. Elle ne pouvait pas voir les pauvres. Elle
exécrait les riches. Le mal croissait dans ses yeux à mesure qu'elle y
pensait. Un mal qu'elle était là pour assouvir, pour apaiser... Une
douleur du fond de sa poitrine, un cancer des sentiments. Elle passa la
grande porte. Elle s'engouffra dans les premiers étages. À présent, il
était hors de question que quiconque puisse s'échapper. Méthodiquement,
elle trouva tous les domestiques et leur ôta le poids de la vie. Aux
gardes aussi.
C'était
ce moment qu'elle préférait. Les aristocrates dormaient bien
tranquillement, et ignoraient tout de ce qui était en train de se
passer. Ces anges que le ciel aime tant étaient à sa merci. L'ombre
regarda ses mains, couvertes de sang jusqu'aux coudes. Le rouge et la
mort, coagulés sur sa peau. Son œuvre. Tout ce sang était une cathédrale
qu'elle élevait à la gloire des dieux. « À la gloire des dieux ! »
cria-t-elle dans un rire, et elle brisa la nuque d'un enfant.
Eyma se réveilla en sursaut.
- Ah ! Quel affreux cauchemar !
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