Cendrillon

Voici un petit conte, j'espère qu'il vous plaira et vous donnera envie de le raconter à vos enfants...





Cendrillon


    Il était une fois, dans un royaume fort éloigné, une jeune et jolie princesse. Elle était intelligente et généreuse. Elle écoutait beaucoup le peuple et répondait, dans la mesure du possible, à ses demandes. Elle donnait beaucoup aux pauvres et, aux réceptions aristocratiques, elle brillait d'intelligence et de galanterie. Malgré son jeune âge, elle montrait déjà toutes les qualités d'une grande souveraine et c'est pourquoi tous les sujets du royaume l'aimaient tendrement. Elle n'avait qu'un seul défaut, celui d'être si indépendante qu'elle ne laissait jamais personne de prendre de décision à sa place. Ainsi, elle avait décidé de ne se marier qu'avec le prince le plus charmant du monde. Elle refusait tous les prétendants que ses parents lui présentaient et faisait, depuis longtemps déjà, repousser la date de son mariage.
    Elle se plaignait auprès du palefrenier de la cour, qui était son meilleur ami : « Il est trop grand, il n'a pas assez d'argent, il est blond, il a trop de ventre, je n'aime pas sa barbe, il ne m'a pas salué correctement... » C'était sans fin. Jusqu'au jour où, fatiguée de toujours avoir à faire la conversation à tous ces messieurs si ennuyeux, elle eut une idée lumineuse, qu'elle ne manqua pas de confier à son ami :
    « Je vais faire croire qu'une vilaine fée m'a jeté un mauvais sort qui m'empêche de parler. Et ce mauvais sort ne pourrait être défait que par la présence de mon vrai prince, le plus charmant du monde ! Comme ça, je ne serai plus obligée de faire la discussion à tous ces prétendants prétendument intéressants ! »
    Le jeune palefrenier, une pelle à fumier dans la main, lui répondit :
    - Mais voyons, vous ne pourrez plus parler avec personne !
    - Tu me rejoindras le soir, à la nuit tombée, quand tout le monde dormira, à la porte de ma chambre qui donne sur le jardin. Je discuterai avec toi, tu me feras la conversation, tu me suffiras bien. Et puis ça ne durera pas toujours, il finira bien par arriver, mon prince le plus charmant du monde ! »
    Dès le lendemain, elle alla voir ses parents et leur fit comprendre, sans parler, qu'une vilaine fée lui avait volé sa jolie voix et que seul la présence du plus charmant de tous les princes pourrait la sauver. Tout le monde à la cour crut son histoire sincèrement. Le roi et la reine invitèrent de plus en plus de prétendants pour aider leur fille à retrouver la parole. Celle-ci, la nuit, se moquait bien de tout le monde et se félicitait de son stratagème. Tout se passait comme elle l'avait prévu.
    Enfin, après plusieurs semaines de silence, alors que la princesse riait bien de la crédulité des gens de la cour, son ami, son seul confident, aperçut dans le ciel une grande traînée dorée. On aurait dit une étoile qui tombait du ciel.
    « Une fée ! » s'écria-t-il.
    La princesse rit de plus belle. Qui, à son âge, croyait encore aux fées ?
    Toutefois, le jeune homme n'avait pas menti. D'étoile, la fée prit forme humaine et se mit à virevolter dans les airs avec ses deux ailes argentées. Elle ne faisait que quelques centimètres, elle était belle comme le jour. Toutefois, la colère altérait ses traits.
    « Je suis ta marraine la bonne fée ! J'ai vu ce que tu as dit et ce que tu as fait et je n'aime pas ça du tout ! Les fées ne jettent pas de mauvais sorts ! Ce sont les humains qui s'attirent le malheur tous seuls ! Plutôt que de faire l'enfant, tu ferais mieux de te décider à prendre un époux ! Pour te punir, je vais rendre le mensonge que tu as inventé vrai. Tu ne parleras plus. Attends donc la présence de ton prince « le plus charmant du monde ! » Le sort ne sera rompu que lorsque tu auras compris la leçon ! »
    Elle secoua sa baguette magique dans les airs et une poussière dorée tomba délicatement sur la princesse. Elle éternua et le temps qu'elle rouvre les yeux, la fée avait disparu.
    Son ami l'invita à plus de prudence, la fée avait l'air drôlement remontée. La princesse haussa des épaules, le salua de la main et rentra chez elle pour aller dormir. Cette histoire de marraine la bonne fée, elle n'y croyait pas du tout.
    Le lendemain, le roi et la reine convoquèrent leur fille. Ils commençaient à se poser des questions sur la véracité de cette histoire de mutisme. Ils l'avaient fait venir devant eux pour l'interroger sérieusement.
    - Ma fille, êtes-vous sûre de nous avoir bien dit la vérité ? Toute la vérité et rien que la vérité ?
    La princesse leur fit son numéro habituel : elle articula des sons sans les prononcer, bougea les mains, jura par écrit de ne pas avoir menti. Mais ses parents connaissait la chanson et ne furent pas convaincus par cette réponse. Pendant que la princesse parlait, ils avaient demandé à une domestique de passer dans le dos de leur fille. Au moment où elle finissait son plaidoyer muet, la domestique la piqua avec une aiguille à l'endroit le plus sensible de son corset. La princesse eut si mal qu'elle ne put se retenir de pousser un cri. Elle plaqua ses mains sur sa bouche, se croyant démasquée quand elle se rendit compte que son cri avait été muet. Elle avait ouvert grand la bouche mais aucun son n'en n'était sorti.
    - Ma fille, je suis heureux et fier de voir que vous ne nous avez pas menti. Je suis sincèrement désolé d'avoir douté de vous. Pour vous récompenser et pour enfin trouver une solution à notre problème, nous allons organiser un bal somptueux et tous les jeunes hommes à marier du royaume, et même des royaumes voisins, seront invités.
    Si le roi était tout joyeux de savoir sa fille honnête et digne de confiance, la reine ne perdit pas son sérieux et prévint sa fille :
    - Toutefois, attention, cette soirée sera votre dernière chance. Il vous faut trouver chaussure à votre pied, ou bien, j'en suis désolée pour vous, il vous faudra rester muette toute votre vie. Le royaume peut se passer de votre voix, pas de votre mariage. Si vous ne trouvez personne qui vous convienne à l'issu de cette soirée, votre père et moi-même choisiront à votre place.
    La princesse n'avait écouté que d'une oreille, paniquée de se savoir réellement muette, mais elle avait bien compris la menace. Elle retourna dans sa chambre complètement affolée : la fée n'avait pas menti et elle n'avait plus qu'un soir pour rencontrer le prince le plus charmant du monde ! Elle pouvait toujours prier pour qu'il vienne, mais elle n'y croyait plus. Cela faisait trop longtemps qu'elle attendait, il ne viendrait sûrement pas. Elle aurait dû s'en aller à l'aventure, venir aux devants de lui, et non pas l'attendre… elle aurait dû décider et pas laisser les choses se décider...
    La princesse regrettait ses actes, mais elle n'était pas idiote. Le soir du bal arriva très rapidement et au milieu des invités, elle se promit d'être plus sage, de renoncer à son rêve de prince le plus charmant du monde et de trouver un cavalier convenable, un époux fidèle, un roi avisé. Tant pis, s'il n'était pas le plus charmant du monde. Elle se mêla aux invités, les écouta parler, dansa avec beaucoup d'entre eux et fit de son mieux pour les accueillir chaleureusement et montrer son intérêt. Mais au milieu des danseurs, elle ne trouvait pas son âme sœur. Tous étaient là pour son royaume, pour son argent, pour le plaisir de posséder une femme si belle et si puissante. La princesse ne voyait dans leurs yeux qu'envie et quête de pouvoir. Elle s'éloigna, abattue. À ce compte-là, elle pouvait bien laisser ses parents choisir, ça ne changerait rien…
    - Tous les mêmes…
    - Tout va bien, mademoiselle ? Vous passez une bonne soirée ?
    Elle leva le nez, un jeune homme se tenait devant elle.
    Il était grand, fin, athlétique et portait un élégant costume de soie indigo, dont le reflet d'or brillait à la lumière de la lune d'un éclat riche et discret. Ses cheveux noirs de jais glissaient en boucles fines sous son chapeau haut-de-forme qui lui faisait un port élancé et tout à fait magnifique. Il releva l'une de ces boucles en se penchant sur la princesse et révéla ainsi la beauté de ses grands yeux. Dès le premier regard, la princesse le trouva infiniment beau.
    Pour la désennuyer, il lui proposa d'aller se promener dans les jardins du château. Loin de l'agitation de la fête, ils profitèrent de la fraîcheur de la nuit, de son enveloppe discrète et protectrice, pour parler pendant des heures, d'égal à égal. La princesse découvrit chez cet homme si beau un caractère généreux et simple, un sens aigu de la justice, une détermination à toute épreuve. Ils s'entendaient si bien que le temps fila plus vite qu'une étoile filante et bientôt les douze coups de minuit retentirent à l'horloge du château.
    Mais dès que le premier coup retentit, le jeune prince, qui n'avait même pas pris la peine de dire son nom, lâcha les mains de la princesse et annonça précipitamment son départ. Cette dernière tenta de le retenir, mais ce fut en vain. Il lui fit ses adieux et disparut dans la foule de la salle de danse. Dans la précipitation, il fit tomber son chapeau. Elle le ramassa et voulut le lui rendre, mais son carrosse sortait de la cour du château à bride abattue. Elle demanda aux gardes d'enfourcher leurs chevaux et de suivre le carrosse afin de connaître l'endroit où habitait un si galant inconnu. Elle attendit toute la nuit dans l'angoisse mais lorsqu'ils revinrent à l'aube, les gardes annoncèrent qu'ils avaient perdu la trace du prince dans la forêt. La princesse était effondrée. Elle avait rencontré son prince le plus charmant du monde et celui-ci, aux douze coups de minuit, avait disparu. Ses parents, à cause de cette disparition subite et inexpliquée, avaient du mal à croire à l'existence de ce prince, mais le chapeau qu'il avait laissé leur prouvait qu'il existait bel et bien. Ils décidèrent alors, encouragés par l'attitude repentante de leur fille, de chercher ce jeune homme à travers tout le royaume. Ils firent annoncer partout qu'ils cherchaient le propriétaire du chapeau perdu. Les prétendants qui étaient venus pendant la soirée comprirent immédiatement que c'était celui que la princesse voulait épouser que le roi et la reine cherchaient, alors ils vinrent en masse, aux portes du château, tenter de convaincre les souverains qu'ils étaient le propriétaire du chapeau perdu.
    Ces recherches, bien évidemment, ne satisfirent pas la princesse. À force de réfléchir, elle finit par en conclure que sa marraine la fée y était sûrement pour quelque chose. Elle monta dans sa chambre et pria de tout son cœur, de toute son âme, que sa marraine lui vienne en aide. Celle-ci apparut dans un rayon de soleil et, puisque sa filleule ne pouvait parler, elle lut dans son cœur les raisons de son tourment.
    - Tu m'accuses de la disparition de ton prince ?
    La princesse acquiesça.
    - Je ne lui ai rien fait, ce n'est pas moi. Ce prince a été maudit à sa naissance. Il est la punition que les dieux ont infligé à ses parents, des personnages ignobles qui ne vivent que par le mensonge, la duperie, le vol… bref, en ignominie. Cet enfant a été condamné à n'être jamais reconnu pour sa valeur. Ce qui veut dire que, même si tu le retrouvais, tu ne le reconnaîtrais pas. Les dieux lui ont accordé une soirée pour apparaître aux yeux de tous tel qu'il est et cette soirée est passée, chère enfant. Tu l'as vu dans son habit de prince, tu ne le verras plus jamais. Si c'est lui que tu as élu prince le plus charmant du monde, alors tu resteras muette toute ta vie…
    - J'ai compris la leçon ! Si je veux trouver mon prince le plus charmant du monde, je dois aller le chercher ! Merci marraine !
    La princesse disparut dans le couloir avant d'avoir terminé sa phrase, laissant sa marraine la bonne fée pantoise, au milieu de la pièce.
    -Elle a brisé le sort…
    La princesse se rua dans la salle du trône, où ses parents auditionnaient tous les gentilshommes qui se présentaient.
    - Père, mère, n'avez-vous pas auditionné un jeune homme de basse condition ? Quelqu'un en guenilles, en costume de laquais, quelqu'un d'affreusement laid ? Un maraud, un fou, un mendiant, un bossu, un rustre, un paysan ?
    Le roi et la reine calmèrent leur fille avant de lui répondre. Non, personne correspondant à sa description ne s'était présenté devant eux. Elle ne perdit pas courage et sortit. Elle allait demander secours à son meilleur ami. Il était palefrenier, il connaîtrait sûrement le moyen de chercher, parmi ceux qui ont le moins de valeur, son prince le plus charmant du monde.
    Elle le trouva, au fond d'un box, la tête sur les genoux, en train de pleurer à chaudes larmes. Ses cheveux couleur de jais cachaient son visage. La princesse hésita à entrer, le box était sale et sa robe était neuve. Elle lui demanda depuis la porte ce qui n'allait pas.
   - Même si je vous le disais, vous ne me croiriez pas.
    Elle insista. Il leva les yeux vers elle.
    - J'aimerais tant… Mais je ne peux…
    Elle s'approcha de lui, la robe était le cadet de ses soucis. Elle lui prit les mains. Elles étaient grandes, chaudes, rassurantes. De son regard, elle le priait.
    - Vous êtes pour moi la plus charmante des princesses…
    Il hésita une dernière fois et finit par susurrer, comme on fait une prière :
    - Le chapeau est à moi.
    La princesse, qui avait reconnu son prince le plus charmant du monde depuis le début, explosa de joie. Les pieds dans le crottin de cheval, elle embrassa celui qu'elle attendait depuis si longtemps et l'épousa lors du mariage le plus somptueux que le royaume eut jamais vu.

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