Les pintades, les oies et le renard

J'ai écrit ça au lycée, pour le cours de français, je suis tombée dessus cet après-midi et comme je l'ai trouvée drôle, j'ai décidé de vous la faire partager... Je pense que le sujet était un truc du genre : " prenez une morale de La Fontaine et réécrivez la fable. " Alors, j'étais hors-sujet ou pas ?




Il y avait, dans une contrée lointaine, une ferme, dont le paysan, très pauvre, n'avait pu doter que de pintades et d'oies.
Les pintades formaient un groupe d'élite qui faisait régner l'ordre dans la basse-cour. Très douées dans l'art de la propagande, elles s'y employaient toute la journée et avec le plus grand zèle afin de maintenir le joug qu'elles exerçaient sur les oies. Je vais tâcher de vous traduire ce qu'elles disaient, dans la mesure du possible. Le langage des pintades est mille fois plus fin et précis que le français, aussi ne pourrais-je vous donner qu'une idée générale de leur discours. Je laisse le soin au lecteur qui connaîtrait, lui aussi, ce langage, de deviner les subtilités de leur discours dans ma traduction.
Ainsi, criaient-elles aux oies qui les écoutaient dévotement : " Nous ferons subir une déformation faciale à toutes celles qui auraient l'audace de proposer des arguments contre nos façons de faire. " (Mais les pintades le formulaient avec une concision impossible à traduire en français.) Ou bien : " Le volatile qui vous a engendré était à tout le monde, allez donc vous l'approprier. " (Mais elles le disaient d'une manière différente.) Ou encore : " Si les pintades ne sont pas d'une race supérieure, ce sont les autres qui nous sont inférieures. Prouvez-nous donc le contraire. " (Mais elles l'exprimaient avec plus de grandeur et d'absolu.)
Tout ça, pour faire peur et manipuler aisément le troupeau d'oies nonchalant, banal et voire quelque fois un peu idiot avec qui elles habitaient. Mais les pintades, par bonté et parce qu'elles étaient bien supérieurement intelligentes, protégeaient toute la basse-cour des prédateurs, et ce rien qu'avec leurs discours. Aussi, personne ne disait rien.

Non loin de là, vivait un renard. Il venait d'arriver dans la région et ne connaissait pas très bien les environs. Il avait essayé d'attraper les poules de toutes les fermes du canton, malheureusement pour lui, toutes étaient bien gardées par les chiens des fermiers, aussi n'avait-il rien pris. Son ventre le poussa jusqu'à la ferme des pintades et des oies, où il vit sa dernière chance. Il n'y avait pas de chien, le fermier était partit se coucher, aussi s'approcha-t-il du grillage de la basse-cour et écouta ce qui se passait.
À peine eut-il entendu les pintades parler qu'il fut pris d'une terreur effroyable. Leur discours suffit à le décourager. Alors, voyant passer une oie, seule, se dandinant en cadence sur son derrière, avec un air un peu bêta, il se dit qu'il avait sûrement sa chance avec un animal pareil et il lui sauta dessus pour la dévorer.
Il n'avait toutefois pas prévu, après avoir entendu les pintades, que l'oie se défende, ni même qu'elle se défende si bien ! Elle le pinça de part en part et si fort, qu'il dut prendre la fuite et retourner se terrer dans son terrier, la queue entre les jambes. 

Mais son ventre criait toujours famine ! Alors, poussé par l'instinct de survie, à grand renfort de courage, il osa s'attaquer à une pintade, boiteuse, seule, coincée au fond d'une ruelle sombre.

Et fort encouragé par ce meurtre facile, les décima toutes.


Les gens sans bruits sont dangereux, il n'en n'est pas ainsi des autres.

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