Dies Contemptio (18)

#Up !

 Résumé des épisodes précédents :

Ara a fait disparaître Eni et a maudit Eyma, qui a soixante jours pour prouver que leur famille n'est pas coupable et stopper la folie meurtrière d'Ara avant d'avoir le cœur dévoré par un dragon. Celle-ci avait trouvé une piste à cette insoluble énigme quand elle se retrouve étrangement enlevée par un comité de femmes en blanc, dont la colère n'a d'égal que celle d'Ara.





Autour d'elle, une assemblée. Il n'y avait que des femmes, plus ou moins jeunes, plus ou moins belles, mais elles avaient toutes un point commun : elles étaient en colère.

L'assemblée discutait vivement. Eyma entendit, pêle-mêle, les mots torture, pendaison, malédiction, et bien d'autres encore du même genre. Visiblement, elle était au cœur de la conversation.
Eyma ne savait pas quoi faire. Qui étaient toutes ces femmes ? Que voulaient-elles ? Elle allait ouvrir la bouche quand une voix tonitruante lui coupa la parole avant même qu'elle ait commencé à dire quoi que ce soit.
-Vous êtes coupable !
Celle qui avait parlé avait l'apparence d'une vieillarde. Toutes étaient de blanc vêtues, mais se différenciaient par leurs cheveux, leurs visages et surtout par les marques affreuses que la plupart portaient. On aurait dit une réunion d'anciens vétérans. Cette vieille, en revanche, avait juste l'air vieille et pauvre. Toutefois, dès qu'elle ouvrit la bouche, un silence de mort tomba dans l'assemblée. Eyma, elle, eut bien du mal à se taire devant pareille accusation.
-Quoi ? Comment ça ? Qui êtes-vous d'abord ? Où suis-je ? Et de quoi est-ce que vous m'accusez ?
L'auditoire ne répondit pas. Dans ce silence qui était plus qu'oppressant, Eyma s'attarda quelques instants sur celles qui lui faisaient face. Malgré leurs robes blanches toutes identiques, les cicatrices qu'elles arboraient étaient d'une étonnante variété. Certaines avaient été coupées, d'autres brûlées, partiellement ou bien entièrement. C'était du moins les marques qu'Eyma reconnaissait. Certaines d'entre elles semblaient avoir été marquées jusqu'au sang, mais impossible de deviner quel genre d'instrument était capable pareille torture. D'autres, qui avaient gardé un teint à peu près blanc, étaient détruites psychologiquement. Eyma les voyait fixer un point perdu dans le néant ou bien se balancer d'avant en arrière en se rongeant les ongles. Aucune de ces femmes n'avait l'air parfaitement saine. Un grain de folie leur poussait derrière la tête, et Eyma devina que c'était la souffrance qui les avait rendues folles.


-Mais de quoi suis-je coupable ?
C'est la même vieille qui l'avait coupé qui lui répondit :
-Nous toutes, ici présentes, avons mandé une envoyée pour mettre fin au crime dont nous avons été toutes victimes. Tu t'es mise en travers de sa route tu l'empêches d'accomplir son devoir. Tu es coupable d'entraver son œuvre de justice.
Eyma eut un picotement. Malgré le fait que la vieille n'ait donné strictement aucun détail précis et qu'elle s'amusait à rester volontairement dans le flou depuis le début, elle avait parfaitement deviné de quoi elles parlaient : de la sorcière rouge et de sa soif de sang. Toutefois, elle n'arrivait toujours pas à cerner qui étaient toutes ces femmes. C'était comme si la vieille attendait qu'Eyma les reconnaisse, elles ne comptaient pas se présenter. « Mais qui a bien pu demander à Ara de verser tout ce sang ? » Eyma avait du mal à admettre qu'Ara n'était pas la seule sur cette planète à vouloir la mort de leur famille. Elle réfléchit un instant avant de comprendre à qui elle avait affaire…
-Les maudites…
Un frissonnement glissa sur sa nuque. Si c'était bien le cas, si elles étaient bien toutes les maudites condamnées par sa famille au fil des siècles, Eyma était dans une position très inconfortable. La sorcière rouge lui avait donné un délai, elles n'avaient pas l'air d'accord avec cette décision. Au contraire, elles ne voulaient certainement pas la laisser trouver quoi que ce soit qui convaincrait Ara d'arrêter… Elle ravala sa salive, pris son courage à deux mains et tenta quelque chose. Elle avait une preuve à trouver, elle ne pouvait pas se permettre de mourir ici.
Elle leur confia sa foi. Elle leur dit, le cœur ouvert, qu'elle avait confiance dans sa famille et que, même s'ils avaient commis des péchés, ils étaient capables de se rattraper, de faire mieux et de corriger leurs erreurs. Elle leur promit qu'elle allait trouver une solution, qu'il y avait un moyen d'en finir avec ce bain de sang, aussi bien du côté des maudites que de celui d'Ara. Elles ne pouvaient pas dire que tuer était une bonne réponse face à la tuerie ; pour sortir d'un cercle vicieux, elles avaient besoin d'un peu de vertu. Elle leur expliqua la démarche qu'elle avait commencé pour trouver celle qui avait aidé Ara, qu'elle était sûre que quelqu'un l'avait aidé, ce qui signifiait que tout le monde n'était pas mauvais et qu'on pouvait repartir sur de nouvelles bases. La terreur inspirée par la sorcière rouge était ancrée dans tous les esprits et il était certain qu'elle ferait trembler les plus puissants pendant encore très longtemps. Tout ceci n'était pas nécessaire. Il y a toujours un autre moyen.
L'assistance se tut un instant. Le front d'Eyma perlait de sueur. Elles se regardèrent pendant quelques instants avant d'éclater d'un rire extraordinaire. Toutes, sans aucune exception, se moquaient d'Eyma et de ses idées dignes d'un film pour enfant. Laisser le travail à moitié fini ? Laisser partir leurs bourreaux parce qu'ils promettent d'être sages ? Espérer que plus jamais ils ne recommenceront ? La bonne blague ! L'homme est un loup et leur livrait la plus rude des batailles. Elles préféraient dévorer plutôt que d'être dévorées. Elles ne pouvaient pas non plus se permettre de laisser traîner ceux qui se mettaient en travers de leur chemin. Elles se regardèrent les unes les autres, comme si elles étaient en train de vérifier qu'elles étaient bien toutes d'accord. La scène dura quelques minutes durant lesquelles Eyma n'osa pas bouger un sourcil. C'est la vieille qui annonça :
-Ton voyage s'arrête ici.
La panique s'empara d'Eyma. Elle ne voulait pas mourir. Elle ne pouvait pas mourir. Son père, ses frères… elle ne supportait pas l'idée de savoir que leur mort ne serait pas vengée, que tout allait finir comme ça. Elle aussi avait souffert et pourtant elle ne faisait pas payer le prix de sa colère au monde entier ! Mais ces femmes la terrifiaient. Elle sentait, sans que pourtant personne ne lui ai dit, qu'elle n'était pas de taille à lutter. La peur lui ôtait tous ses moyens, elle tremblait comme une enfant quand elle entendit la sentence de la vieille. Elle ne pouvait pas mourir sans avoir accomplit son devoir !
-Je trouverai une solution ! Je vous en supplie, laissez-moi partir !

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