Le seigneur des cadeaux (1)
Moi, je ne sais pas dire merci. Tenez cet article, par exemple : c'est pour dire merci. Je voulais remercier le génie de quatre Muses par mon génie à moi. J'espère que je serai à la hauteur.
Le seigneur des cadeaux
Tome 1 : La communauté
Chapitre 1 - Des Dinosaures
Ce livre traite dans une
large mesure des Dinosaures, et le lecteur découvrira dans ses pages
un peu de leur caractère et de leur histoire. Quelques lecteurs
souhaiteront peut-être en savoir d'abord un peu plus sur ce peuple
peu ordinaire. À l'intention de telles personnes nous réunissons ici
quelques notes sur les points les plus importants de la tradition des
Dinosaures.
Les Dinosaures sont un
peuple effacé mais très ancien, qui fut plus nombreux dans l'ancien
temps que de nos jours, car ils aiment la paix, le silence, la
tranquillité et une tête bien cultivée : une bibliothèque
ordonnée et mise en valeur était leur retraite favorite. Ils ne
comprennent, ne comprenaient pas plus qu'ils n'aiment les récits
moins compliqués que ceux de Zola, bien qu'ils fussent forts habiles
à passer des heures dans un canapé devant la télé. Même dans
l'ancien temps, ils se méfiaient des « Petites Gens »,
comme ils nous appellent, et puisqu'à présent ils nous évitent
avec effroi, il devient difficile de les trouver. Ils ont l'esprit
aiguisé et vif, et s'ils ont tendance à apprendre des langues qui
ne sont plus parlées ou à étudier des livres que personne ne lit,
ils restent sympathiques, bien que souvent incompréhensibles. Ils
ont toujours eu l'art, qui passe aujourd'hui pour magie, de parler
sans se faire comprendre quand les Petites Gens qu'ils ne voulaient
pas rencontrer venaient par hasard de leur côté.
Il est clair qu'en dépit
d'un éloignement ultérieur, les Dinosaures nous sont apparentés.
Ils parlaient autrefois la langue des hommes, à leur façon. Mais il
est impossible de découvrir aujourd'hui nos relations exactes, car leur existence n'était pas connue dans l'ancien temps. Il est cependant clair que ceux-ci
avaient en fait vécu tranquillement, cachés partout mais vus nul
part, durant de longues années avant que d'autres n'eussent
conscience de leur existence.
Les Dinosaures n'étaient
pas de joyeuses gens. Ils s'habillaient de couleur sombre, mais ne
portaient jamais de vêtements chers ou soignés, pas plus que de
chaussures, préférant un in-folio de Victor Hugo à un manteau
chaud pour l'hiver. C'est pour cela qu'ils passaient la plupart du
temps pour des va-nus-pieds. Leur visage reflétait l'opinion qu'ils
avaient sur eux-mêmes : leur bouche riait peu, leurs joues
étaient pâles et leurs yeux ressemblaient à ceux d'un poisson
mort. Ces derniers ne s'allumaient qu'à l'évocation de la vie
d'Alcibiade, qui était souvent un objet de moquerie lorsqu'ils se
réunissaient, plaisanterie qui entretenait peu leur réputation. La
solitude leur convenait et c'était en pensée et méditation qu'ils
passaient le plus clair de leur temps. Un lecteur naïf pourrait
confondre ces pratiques avec celles de la sieste et de la
procrastination s'il avait l'occasion d'avoir un Dinosaure sous les
yeux, mais bien que très proches, ces activités n'étaient pas
celles que préféraient les Dinosaures.
Les Dinosaures ne sont jamais intervenus dans l'histoire de la Terre des Bords et n'ont jamais voulu s'y intéresser. S'ils ont collecté et entassé de nombreuses informations dans leurs bibliothèques, et bien qu'ils connaissaient le moindre renversement de notre monde, jamais ils ne partagent leurs connaissances et ce repli sur eux-mêmes fait parti d'une des nombreuses causes de notre ignorance à leur sujet. Ils se gardaient bien, entre eux, de se demander des conseils et les aurait-on chargé de porter un objet aussi petit qu'un anneau pour le livrer à une destination quelconque qu'ils préfèreraient lire Stéphanie Meyer, ce qui, pour sûr, provoquerait chez eux des douleurs atroces si cette lecture ne mettait pas fin à leur vie.
Ainsi, Julie, la plus
banale des Dinosaures, répondit à l'émissaire que le roi de sa
contrée avait envoyé pour lui confier la plus importante mission du
royaume :
- Oh non... ce soir, je
voulais finir de lire Lucien...
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