Dies Contemptio (14)
L'hiver se finit, ça fait du bien ! Les rayons de soleil, les fleurs sur les arbres... ya pas à dire, le printemps c'est beau comme une grasse matinée.
Résumé des épisodes précédents :
Eyma cherche à prendre revanche sur celle qui a tué toute sa famille, la sorcière rouge. Elle a trouvé un ami de cette dernière, Eni, et le suit pour la trouver plus rapidement. Séparés dans la ville, ils attendent qu'elle se montre. Pendant qu'Eni parle avec Nepos, le devin qui soigna Eyma après qu'elle a été attaquée par la sorcière rouge, la jeune fille voit passer une ombre dans la ruelle qu'elle surveille...
Eyma décida d'aller
faire un tour. Cette nuit-là, le vin devait couler à flot, la
flaque était vraiment très grasse. Elle avait besoin d'air. Elle se
leva, vérifia qu'elle n'avait pas été éclaboussée. Elle
s'apprêtait à faire le premier pas quand elle remarqua une ombre
dans la ruelle.
Sans hésiter, elle se
rua sur cette ombre, mais celle-ci l'avait déjà vue et s'était
retournée. Deux yeux rouges brillaient dans l'obscurité. Elles se
regardèrent pendant plusieurs minutes. Aucune d'elles ne voulait
faire le premier mouvement. La tension était palpable. Elles
s'étaient reconnues.
-Pourquoi vous faites
ça ?
Eyma susurrait entre ses
dents. La colère glissait sur le bord e ses lèvres.
-Pourquoi les avoir tous
tué sans raisons ?!
C'était le cri du cœur
d'Eyma. Depuis cette nuit fatale, elle se la posait toutes les nuits.
Mais elle n'avait jamais réussi à la prononcer à voix haute.
La sorcière rouge parut
surprise de cette question. Les deux yeux rouges disparurent un
instant sous ses paupières et elle fit tomber sa capuche.
-Sans raisons ? Tu
dis bien sans raisons ?
-Eni m'a raconté ton
histoire ! Ton père seul était responsable !
-Mais qui es-tu pour
décider de qui est responsable et qui ne l'est pas ? Notre sang
est maudit, jeune fille. Tous les seigneurs de ces beaux châteaux
partagent le même sang. Toi et moi sommes de la même famille. Or,
que faisait cette famille lorsqu'on violait, lorsqu'on torturait,
lorsqu'on tuait la maudite ? Rien. Tous savaient et personne n'a
rien fait. Les dieux m'ont donné pour mission de mettre fin à ce
massacre. Il n'y a qu'un seul moyen d'y parvenir : effacer toute
trace de notre sang. Nous ne sommes que des lâches, laissant mourir
une pauvre fille tirée au hasard pour ne pas avoir à prendre de
responsabilités. Pour garder le pouvoir. Le mortier qui lie les
pierres de tous les châteaux est fait de sang. On ne peut plus
laisser le destin des hommes entre les mains de fratricides. Je ne
sais pas comment tu as fait pour survivre, car je me souviens bien
t'avoir frappée, mais il faut que tu meures comme les autres, ou le
cauchemar continuera.
-Le cauchemar, c'est
toi !
Eyma brandit soudain la
lame qu'elle gardait sous son manteau et se rua sur la sorcière
rouge. Elle ne pouvait pas croire ce qu'elle disait. Elle était
parfaitement au courant des rituels consacrés à la maudite dans sa
famille, mais les dieux n'approuvait pas la longueur et l'ampleur de
la vengeance de la maudite et l'avait envoyée elle, Eyma, pour
rétablir l'équilibre, la justice dans ce bas monde. La sorcière
rouge ne pouvait pas, à elle seule, remettre en question l'ordre
immanent du monde. Sa famille avait accédé au pouvoir par la main
des dieux, il n'y avait que les dieux qui pouvaient le reprendre. En
donnant leur bénédiction à la vengeance d'Eyma, ils avaient
condamné l'action d'Ara. L'assurance de la volonté des dieux et la
violence des arguments de la sorcière rouge ne faisaient
qu'exacerber la colère d'Eyma. Elle visa tout droit sur le cœur de
son ennemie, mais celle-ci arrêta la lame net en l'empoignant à
pleine main. La plaie qui venait de se creuser dans sa paume était
profonde et le sang coulait à flot. Eyma lâcha la dague, et recula,
abasourdie. Elle ne doutait pas du sort qui devait être le sien, à
présent. Finalement, tout a n'était que sursis.
-Ce poignard... c'est
celui que j'ai utilisé... que j'ai...
À peine Eyma avait-elle
lâché le manche que l'arme s'était transformée en une grosse
feuille qui tomba lentement sur le sol. La sorcière rouge leva des
yeux interloqués sur Eyma.
-Comment est-ce
possible... ? Le charme devait se rompre lorsque moi je lâcherai
l'arme... Ce n'est pas possible qu'elle ait continué à garder cette
forme jusqu'à maintenant...
La sorcière rouge se tut
un moment puis parut se résoudre à quelque chose.
-Tu as quelque chose de
spécial...
Elle s'approcha de la
jeune fille et lui murmura à l'oreille :
-Prouve-moi que le sang
qui coule dans nos veine est toujours digne de la confiance des
dieux. Prouve-moi que j'ai tort. Prouve-moi l'innocence de tous ceux
que tu prétends protéger. Je te laisse soixante jours.
D'un souffle, la sorcière
rouge fit sentir à Eyma toute la froideur du monde. La jeune fille
sentit quelque de glacé pénétrer à l'intérieur d'elle.
-Prouve-moi que le don
des dieux peut être utilisé avec parcimonie et que le massacre des
maudites n'aura plus jamais lieu... Prouve-le ou le dragon qui est en
toi te tuera. Dans soixante jours exactement nous nous retrouverons.
D'ici là, tu as ma parole ; je n'agirai pas.
Et la sorcière rouge
disparut dans le premier rayon de soleil.
Commentaires
Enregistrer un commentaire