La fille de l'air (23)

 Le temps passe et on s'en aperçoit pas... C'est déjà le vingt-troisième épisode de la fille de l'air, mais à un épisode par jour, ça ne fait pas beaucoup finalement...



Ce fut un long et fatiguant voyage, qu'Eni tenta d'écourter au maximum avec des disques, face à cette noirceur qui prenait Ara. Il essaya de l'amuser, en la faisant courir dans les nuages, mais sans qu'il sache pourquoi, un jour, elle se mit à pleurer alors qu'ils couraient, et ils durent redescendre.
- C'est trop dur, je suis désolée...
Eni essaya de la consoler au mieux. Ils voyagèrent plus vite, Ara dormait moins. Et puis, ils finirent pas arriver à destination.
Pour Ara, rien de plus difficile que de se promener dans la capitale, dans ces faubourgs juste sous la citadelle de son père. Elle regardait les murs se dresser en haut de la colline. Elle voyait la tour dépasser au-dessus des murailles.
Ils s'étaient installés incognito dans une taverne. Eni voulait en finir vite et partir directement pour le château, mais Ara, depuis qu'elle était arrivée, voulait rester un peu dans les faubourgs.Il ne pouvait pas lui dire non. Elle se promenait toute la journée dans les échoppes, dans les tavernes, dans les auberges, dans les rues et partout elle ne constatait qu'une seule chose : l'indifférence. Les habitants vivaient sans rien savoir de sa malédiction, de sa fuite, de la menace qu'elle représentait. Elle se promenait dans les rues, une dague sous sa cape, un pouvoir illimité entre ses mains. Elle se sentait les trahir, à vouloir tuer celui qui régnait sur leur paix. Elle savait le chaos qu'elle allait lancer en faisant tomber cette tête.
- Ara, on ne peut pas acheter la paix avec du sang. On ne peut pas demander à certaines de mourir sans raisons pour que d'autres vivent sans combats.
Elle avait l'impression qu'il lisait dans ses pensées. À présent, il était le seul sur qui elle pouvait compter. Elle aimait bien Nepos, mais elle l'avait éloigné car il lui en demandait trop. Si elle l'avait prévenu de leur départ, il aurait voulu venir, et elle ne pouvait pas. Elle n'aurait jamais été jusqu'au bout avec lui.
-Quand j'en aurai fini ici, je pourrai rentrer courir dans les nuages... En paix...
Le sourire qu'elle afficha en disant cela rassura Eni. Finalement, même si les rêves devenaient de plus en plus durs à supporter pour Ara, il avait la certitude qu'elle ne plongerait pas dans les ténèbres de la haine dont Nepos l'avait tant mise en garde.

Ara rêvait qu'elle était une petite fille. Elle se trouvait dans une grande salle, très éclairée. Il y avait son père, le roi, sur son trône, ses conseillers autour de lui, et des gardes. Elle était seule femme. Il n'y avait ni sa mère ni aucune de ses sœurs pour l'accompagner. Elle devait avoir entre six et huit ans. Elle demandait timidement pourquoi on l'avait convoquée ici. Son père répondait, d'un ton gracile et aimable qu'il l'avait vue l'autre jour, jouer dans avec l'eau de la fontaine. Une peur bleue fit soudain frisonner l'enfant. Elle aimait faire des formes en l'air avec le beau de son doigt. Personne ne jouait plus avec elle depuis un moment, alors elle se créait des histoires, cachée dans le jardin, avec l'eau des fontaines et des ruisseaux. Elle faisait se combattre des ombres d'eau, tels de preux chevaliers. Elle dessinait avec soin les formes de la princesse à sauver. Mais son père l'avait vue. Elle était jeune, mais elle savait ce que cela voulait dire.
Il lui expliqua gentiment qu'elle ne pouvait pas vivre ainsi. Que c'était mal ce qu'elle faisait. Personne ne pouvait le faire, alors pourquoi elle aurait le droit ? Non, c'était violer les règles. Elle devait se soumettre à l'avis de son père et ne plus jamais utiliser ses talents. Il lui dit également qu'elle serait punie pour ce qu'elle avait fait. Dans sa tête d'enfant, elle ne pouvait pas renoncer à tous ces plaisirs. Elle était désolée d'être la seule à pouvoir faire des figures avec l'eau, mais elle ne voyait pas où était le mal. Elle ne comprenait pas pourquoi elle devait être punie. Deux gardes la saisirent et commencèrent à la battre. Au bout d'un moment, son père leur dit d'arrêter. Il lui expliqua encore une fois que le destin de tout le monde reposait sur ses épaules. Qu'elle devait être sage et subir sa punition, où les dieux feraient tomber leur colère sur eux. Ils tueraient tout le monde si elle continuaient à utiliser ses talents. La ville, le royaume périraient sous les flammes et le sang si elle ne voulait pas se rendre. La suite du rêve fut une suite d'images sanglantes. Elle voyait les tortures. Elle les ressentait dans son corps. À la fin, elle n'avait plus d'ongles, la plupart de ses cheveux traînaient par terre, elle était attachée sur une planche et elle priait pour mourir. Avec sa mort, les foules qu'elle protégeaient seraient sûrement saines et sauves pour toujours. Oui, pour toujours...

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