La fille de l'air (14)

Ohohoho ! Joyeux Noël !

Ara rêvait. Elle était dans un couloir sombre. Au bout du couloir, une porte de lumière. Il n'y avait rien d'autres ; elle avança. La porte passée, elle arriva dans une pièce totalement blanche. Elle s'arrêta. Elle était face aux sièges d'un amphithéâtre. Peu à peu, des formes apparurent, aléatoirement, toutes des femmes. Elles étaient habillées de blanc, leurs cheveux étaient blancs, elles ne souriaient pas. Leur teint était pâle comme la mort.
- Qui êtes vous ?
- Ara, comme toi nous avons été maudites.
Personne ne parlait, mais cette voix résonnait dans le cercle.
- Comme toi, nous avons voulu fuir, mais aucune d'entre nous n'a réussi.
- Ils m'ont brûlée sur la place de l'hôtel de ville.
- Ils m'ont torturée pendant des jours avant de me laisser mourir de faim.
- C'était la guerre. J'ai été envoyée sur le front. Mais pas pour combattre. Je suis morte lorsqu'ils ont tenté de me faire avorter. Mort accidentelle, ils voulaient tuer mon enfant avant de me tuer moi.
Elles se levaient, tour à tour, pour raconter leur histoire. Lorsqu'elles parlaient, elles reprenaient quelques couleurs et parfois quelques bleus dépassaient de sous leurs manches larges.
- Ils savaient que ce prince battait et tuait ses femmes. Ils m'ont fait croire que je pourrai vivre comme mes sœurs, que je ne serai pas punie... Et j'ai sincèrement cru à mon bonheur jusqu'à cette nuit...
- Ils m'ont fait travailler au service de mes sœurs pendant toute ma vie. Celles-ci, parce qu'elles avaient peur d'être punies, m'ont battue à chaque fois qu'elles voulaient me dire « merci ».
À peine l'une d'entre elles avait fini sa phrase qu'elle se rasseyait et sans interruption, une autre se levait pour prendre la parole. Ces paroles résonnaient dans le silence profond que faisaient les autres autour de celle qui parlait. Ara n'arrivait pas à les empêcher de parler. Elle était figée sur place, incapable de la moindre réaction.
- Ara, tu es la seule à avoir réussi à t'enfuir. Par deux fois tu as échappé à leurs griffes.
- Ma sœur est morte pour ça...
- Et nous sommes mortes avant elle !
Toute s'étaient levées et avaient parlé d'une même voix. La voix tonitruante de toute la colère qu'elles avaient porté.
- Ta sœur voulait mourir, nous ne le voulions pas !
- Ara, pour toutes celles qui sont ici, c'est déjà trop tard. Mais pense à celles qui naîtront après toi.
- Je ne suis pas l'élue.
- Venge-nous, Ara, c'est tout ce qu'on te demande. Fais couler le sang de ceux qui nous ont tuées. Une fois mortes, nous errons ici, attendant patiemment la venue de celle qui pourrait toutes nous sauver. Mais à chaque génération, celle qui entre dans cette pièce est aussi pâle que nous. Regarde attentivement. Personne ici n'a vécu plus de vingt ans. Que les hommes te nomment maudite ou élue, ça n'a aucune importance. Ne laisse pas notre mort impunie. Fais en sorte que notre sang n'ait pas coulé pour rien...
Elles se levèrent, l'une après l'autre, et sortirent. Toutes fixaient un regard ardent sur Ara. Certaines la suppliaient, d'autres la menaçaient. À la fin, il n'en resta plus qu'une.
- Je suis la première maudite. J'ai, moi aussi, cru pouvoir vivre libre. J'ai pris le chemin que tu t'apprêtes à prendre.
Elle soupira.
- As-tu compté le nombre d'ancêtres qui nous sépare ? Combien en faudra-t-il encore de torturées, de brûlées, de vendues, d'humiliées avant que nous ne soyons libres ?

- Elle dort bien ton amie.
- Oui, mais son sommeil n'a pas l'air tranquille.
- Allez voir mon petit-neveu. Il vous aidera. Quoi qu'elle dise, jeune homme, accompagne-la. Tu dois découvrir pourquoi toi aussi tu peux courir dans les nuages.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

la fille de l'air (8)

Épiphanie (4)

La Colocation de Clarisse (5)