la fille de l'air (8)
... À bientôt !
Au centre de la pièce se tenait le bouton de rose. L'éclat fragile de ses feuilles lui donnait un air vulnérable. Eni, en s'avançant, avait toujours les images de l'homme qui s'était fait dévoré à cet endroit-même quelques secondes plus tôt.
Il s'avança, rien ne bougea. Il marcha encore, en attendant le moment où il réveillerait le monstre qui somnolait dans ce cocon. Le silence se faisait pesant. Les yeux rivés sur cette chose si belle et si dangereuse, Eni s'avançait. Il était impossible de dire ce qu'était en réalité cette belle rose à venir, ni même ce qui se cachait à l'intérieur. Mais lui, il savait. Il regardait les pétales et il voyait Ara.
Il finit par toucher au but. Il ne lui était rien arrivé. Il n'avait pas été dévoré, déchiqueté, broyé, annihilé. Il était devant la rose.
Il tendit le bras, poussa les pétales, les sépara, ouvrit le cocon. À l'intérieur, Ara l'attendait. Sa peau était le terreau fertile d'où poussaient les ronces qui avaient réduit à néant la population du donjon. Sa colère l'avait débarrassée de tous ses ennemis, mais l'avait enchaînée. Les ronces la retenait, elle ne pouvait pas bouger.
Eni lui saisit fermement le bras.
-Viens, on s'en va !
-Laisse tomber, répondit-elle, le regard éteint. Ça ne sert à rien. Où que j'aille, il me suivra, et un jour, il finira bien par m'avoir. Je suis fatiguée de lutter. Fatiguée...
-N'importe quoi ! Et ta sœur ? Elle serait morte pour rien ?
-Elle m'a offert un cadeau, j'en ai profité. Je le rends, je le donne à qui en veut, mais je n'ai plus la force de le porter.
-Alors portons-le à deux ! Fuir seule, ça n'a pas du être facile. Maintenant, je suis là, je ne te lâche pas !
-Laisse-moi mourir en paix....
Alors Eni l'attrapa fermement à bras le corps et l'entraîna hors du bouton. Toutes les racines s'arrachèrent brusquement, laissant des plaies béantes aux endroits où elles étaient les plus épaisses. Il s'efforça d'empêcher le sang de couler trop abondamment, pris Ara sur ses épaules, et ouvrit un disque semblable à celui qu'avait ouvert le vieux.
-Je crois que tu ne m'as pas tout dit, Eni...
-J'ai essayé de repousser cette conversation, mais il va bien falloir qu'on en parle.
Il se jeta dans le disque. Ils arrivèrent dans une forêt. Eni ouvrit un autre disque, et passa au travers. Cette fois-ci, une plage.
-Qu'est-ce que tu fais ?
-Je sème nos poursuivants. Même si les disques se ferment, il reste quand même une trace de notre passage.
Il ouvrit cinq ou six disques différents et sauta dans un, au hasard.
-Comme ça, on va les perdre.
-Mon père a assez d'hommes pour en envoyer partout.
Ils arrivèrent dans une ruelle sombre. Nouveaux disques, nouvelle traversée. Mais cette fois-ci, de l'autre côté du disque, plein ciel.
Ara sursauta ; c'était à la fois dangereux et extraordinairement beau. Ça faisait une éternité qu'elle n'avait pas couru dans les nuages.
-Je ne peux pas te porter ici, Eni !
-Pas la peine. Tu te souviens de notre première rencontre, n'est-ce pas ?
Ils étaient toujours en l'air. Il marchait sur un nuage.
-Je sais pourquoi tu es venu dans les nuages, mais ne les tue pas, Eni...
-Pourquoi ? Après tout ce qu'ils t'ont fait...
-C'est mon père, Eni, pas eux... Ils n'ont rien fait...
Un silence s'installa. Ara respirait péniblement.
-Pourquoi en ouvrir autant ?
-J'attends de me fatiguer. Pour le moment, je sais où on va, mais à force, je vais finir par ouvrir des disques dont j'ignore la destination. La destination deviendra aléatoire pour tout le monde, même pour ceux qui nous suivent.
Il continua à ouvrir des disques et à les traverser. Un long moment se passa comme ça. Eni marchait et Ara semblait s'être plongée dans un silence qu'elle ne briserait maintenant plus.
-Tu ne dis plus rien ?
-Je... je suis fatiguée. Si je te pose des questions, tu ne pourras pas t'empêcher d'en poser aussi. Je suis trop fatiguée pour répondre...Cette conversation qu'on doit avoir est bien trop longue pour qu'on l'aie maintenant...
Au centre de la pièce se tenait le bouton de rose. L'éclat fragile de ses feuilles lui donnait un air vulnérable. Eni, en s'avançant, avait toujours les images de l'homme qui s'était fait dévoré à cet endroit-même quelques secondes plus tôt.
Il s'avança, rien ne bougea. Il marcha encore, en attendant le moment où il réveillerait le monstre qui somnolait dans ce cocon. Le silence se faisait pesant. Les yeux rivés sur cette chose si belle et si dangereuse, Eni s'avançait. Il était impossible de dire ce qu'était en réalité cette belle rose à venir, ni même ce qui se cachait à l'intérieur. Mais lui, il savait. Il regardait les pétales et il voyait Ara.
Il finit par toucher au but. Il ne lui était rien arrivé. Il n'avait pas été dévoré, déchiqueté, broyé, annihilé. Il était devant la rose.
Il tendit le bras, poussa les pétales, les sépara, ouvrit le cocon. À l'intérieur, Ara l'attendait. Sa peau était le terreau fertile d'où poussaient les ronces qui avaient réduit à néant la population du donjon. Sa colère l'avait débarrassée de tous ses ennemis, mais l'avait enchaînée. Les ronces la retenait, elle ne pouvait pas bouger.
Eni lui saisit fermement le bras.
-Viens, on s'en va !
-Laisse tomber, répondit-elle, le regard éteint. Ça ne sert à rien. Où que j'aille, il me suivra, et un jour, il finira bien par m'avoir. Je suis fatiguée de lutter. Fatiguée...
-N'importe quoi ! Et ta sœur ? Elle serait morte pour rien ?
-Elle m'a offert un cadeau, j'en ai profité. Je le rends, je le donne à qui en veut, mais je n'ai plus la force de le porter.
-Alors portons-le à deux ! Fuir seule, ça n'a pas du être facile. Maintenant, je suis là, je ne te lâche pas !
-Laisse-moi mourir en paix....
Alors Eni l'attrapa fermement à bras le corps et l'entraîna hors du bouton. Toutes les racines s'arrachèrent brusquement, laissant des plaies béantes aux endroits où elles étaient les plus épaisses. Il s'efforça d'empêcher le sang de couler trop abondamment, pris Ara sur ses épaules, et ouvrit un disque semblable à celui qu'avait ouvert le vieux.
-Je crois que tu ne m'as pas tout dit, Eni...
-J'ai essayé de repousser cette conversation, mais il va bien falloir qu'on en parle.
Il se jeta dans le disque. Ils arrivèrent dans une forêt. Eni ouvrit un autre disque, et passa au travers. Cette fois-ci, une plage.
-Qu'est-ce que tu fais ?
-Je sème nos poursuivants. Même si les disques se ferment, il reste quand même une trace de notre passage.
Il ouvrit cinq ou six disques différents et sauta dans un, au hasard.
-Comme ça, on va les perdre.
-Mon père a assez d'hommes pour en envoyer partout.
Ils arrivèrent dans une ruelle sombre. Nouveaux disques, nouvelle traversée. Mais cette fois-ci, de l'autre côté du disque, plein ciel.
Ara sursauta ; c'était à la fois dangereux et extraordinairement beau. Ça faisait une éternité qu'elle n'avait pas couru dans les nuages.
-Je ne peux pas te porter ici, Eni !
-Pas la peine. Tu te souviens de notre première rencontre, n'est-ce pas ?
Ils étaient toujours en l'air. Il marchait sur un nuage.
-Je sais pourquoi tu es venu dans les nuages, mais ne les tue pas, Eni...
-Pourquoi ? Après tout ce qu'ils t'ont fait...
-C'est mon père, Eni, pas eux... Ils n'ont rien fait...
Un silence s'installa. Ara respirait péniblement.
-Pourquoi en ouvrir autant ?
-J'attends de me fatiguer. Pour le moment, je sais où on va, mais à force, je vais finir par ouvrir des disques dont j'ignore la destination. La destination deviendra aléatoire pour tout le monde, même pour ceux qui nous suivent.
Il continua à ouvrir des disques et à les traverser. Un long moment se passa comme ça. Eni marchait et Ara semblait s'être plongée dans un silence qu'elle ne briserait maintenant plus.
-Tu ne dis plus rien ?
-Je... je suis fatiguée. Si je te pose des questions, tu ne pourras pas t'empêcher d'en poser aussi. Je suis trop fatiguée pour répondre...Cette conversation qu'on doit avoir est bien trop longue pour qu'on l'aie maintenant...
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