La fille de l'air (12)

 Je sais, je sais, le 100ème article se fait attendre. Je sais, je sais...
Pardon.
Il est dans la hotte du père noël, il arrive, c'est promis !

 *Roulement de tambours...*
Cet article est le 99ème article de mon blog ! Donc pour le 100ème article, vous aurez droit à un petit bonus ! ;-)

D'ordinaire, quand je regarde le nombre de visites, je vois que vous passez lire mes articles uniquement quand ils sortent... Et puis depuis la fin de la saison 1 de La fille de l'air, j'ai eu quelques visites alors que je n'avais rien publié. Dois-je en conclure que cette histoire vous plaît ? :-)


Ils avaient traversé le disque, sans savoir où ils allaient. La première chose qu'ils virent, ce fut encore le paysage vert d'une forêt. L'ombre des arbres était très agréable, le soleil tapait fort. Eni posa le pied par terre, doucement, et fit glisser Ara au sol, en délicatesse. Il s'assit dans l'herbe sans un bruit, sans un heurt et s'endormit. 
Ara n'avait pas la force de le porter pour continuer leur route, alors elle se mit à côté de lui et commença à le veiller. Ils poursuivraient leur chemin quand il se réveillerait. Il dormait comme un petit enfant fatigué d'avoir joué trop longtemps. Si quelqu'un arrivait, elle n'était pas en mesure de le défendre, ni même de se défendre elle-même, mais elle n'avait pas non plus le courage de continuer à marcher. Ni le cœur de l'abandonner et de recommencer à fuir toute seule.
C'est à ce moment précis qu'elle se rendit compte alors que la fatigue qu'elle ressentait n'était pas une fatigue physique. Elle n'avait rien fait qui puisse la fatiguer autant, finalement. C'était dans son cœur, dans sa tête qu'elle était fatiguée. Elle avait finit par comprendre qu'elle ne pouvait pas juste ignorer qui elle était et courir bêtement dans les nuages. Si elle ne voulait pas rattraper son passé, son histoire, il y aurait toujours quelqu'un pour le faire à sa place, et décider de son avenir pour elle. Elle ne pouvait plus à la fois ignorer ce qu'elle était, mais elle ne pouvait pas non plus l'assumer et le revendiquer. Elle ne pouvait pas s'opposer comme ça à son père. Elle ne pouvait pas le renverser, une bonne fois pour toute. Et le fait de vouloir être libre sans avoir la force de briser ses chaînes constituait tout le fond du problème. Elle aurait aimé que ce soit possible, et jusqu'ici elle pensait que c'était ce qu'elle avait fait en fuguant. Mais finalement, fuir, ce n'était que remettre au lendemain. Elle n'avait rien résolu, et, pire, elle avait au contraire donné mille et une raisons à son père de se lancer à sa poursuite, de la traquer comme un animal, de vouloir la réduire à l'esclavage que sa naissance lui avait promis.
Il faisait bon à être assis dans l'herbe. Le soleil tapait fort, mais grâce aux arbres, elle ne sentait rien de leur chaleur. Le vent glissait dans les branches, on aurait dit le bruit que font les vagues en se brisant sur la plage. Quelques oiseaux chantaient dans les arbres, et rien d'autre. On aurait dit un petit paradis, un endroit oublié des hommes. Un lieu où la maladie humaine ne s'est pas encore infiltrée. Ara ne se sentait pas de trop. Elle ferma les yeux quelques instants, et écouta la vie qui grouillait autour d'elle. 
- Les meilleurs musiciens du royaume ne chantaient pas cette vie-là...
Elle se souvint des banquets extraordinaires qu'on donnait au château de son père. Il y avait des orchestres, des acteurs, des jongleurs, des danseuses, des montreurs d'ours même quelques fois. Pour chaque soirée, elle devait mettre sa plus belle robe, et passer des heures et des heures devant son miroir. Elle se souvint brusquement que, depuis qu'elle était partie, elle ne se regardait même plus le matin avant de sortir. Elle avait échangé son reflet contre l'horizon, contre une mer de nuages. Au château, elle ne pouvait manquer de se comparer avec ses sœurs : laquelle avait la plus belle robe, la plus belle coiffure, le plus beau visage, le plus beau partenaire de danse. À croire que sa vie ne se résumait qu'à sa beauté. Aujourd'hui, elle traînait dans une forêt inconnue, avec un enfant de traînée qui l'avait sauvée, elle écoutait le vent chanter dans les arbres, et, fatiguée, elle fermait parfois les yeux. Elle était sale, ses vêtements n'étaient ni beaux ni chauds, ses cheveux n'étaient plus qu'un peloton de nœuds. Toutefois, même sans ailes, elle volait.
Telles étaient les pensées d'Ara, seule au milieu des arbres, à côté d'Eni qui dormait toujours. Elle avait fini par transformer sa tristesse en espoir. L'espoir d'un jour réussir à en finir avec toutes ces histoires, réussir à vivre sa vie pour elle-même, et plus à cause de sa malédiction.
- Ben, qu'est-ce que vous faites ici ?
Un vieux, accompagné d'un âne, venait de l'apercevoir. 
- Qui êtes-vous ?
Le vieux était tout proche. Eni ouvrit un œil, difficilement. Il tendit un bras vers lui et utilisa toute la force qui lui restait pour dire :
- C'est l'élue.

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