La fille de l'air (13)
Tadam ! Voici le 100ème article de mon blog ! Sans vous, ça n'aurait pas été possible, c'est sûr ! Alors pour vous remercier, pour fêter cet anniversaire et pour me protéger du mauvais œil qui se cache derrière le treize, je vous sers un article allongé aujourd'hui ! Merci à vous !
Et n'oubliez pas de partager et/ou de mettre un +1 (tout est en bas de l'article), ça fait toujours plaisir !
*Joyeux anniversaire, Nouvelles Idiotes ! *
Depuis qu'Eni avait parlé, le vieux
n'avait rien répondu. Il le regardait bêtement. Il avait l'air
d'hésiter. Il finit tout de même par hisser Eni sur son âne.
-Venez avec moi. J'ai une cabane pas
loin, vous pourrez vous reposer.
Ara hésita elle aussi. Pourquoi lui
faire confiance ?
-Aller ! Je n'ai plus l'âge de
jouer à montrer patte blanche. C'est lui qui vous a emmenée ici.
Vous saviez en arrivant où vous ne tomberiez pas.
Elle était fatiguée. Elle prit sa
main et marcha avec lui.
En fait de cabane, c'était une
maison, certes petite, mais bien en pierre, ancrée dans un arbre
géant. Les murs étaient couverts de mousse, la porte était
minuscule, et les fenêtres très mal taillées. Du toit sortait
l'arbre, comme s'il avait poussé de l'intérieur. La partie arrière
de la maison était effondrée, perdue dans la forêt qui commençait
là. L'âne avait sa petite étable sur le côté. Ils avaient
tellement peu marché qu'on aurait dit qu'ils avaient passé le
disque pour arriver dans cette bicoque, pas spécialement dans cette
forêt.
Le vieux hissa Eni à l'intérieur de
la maison, en le faisant passer par une fenêtre. Il revint ensuite
mettre son âne à l'étable. Ara le regardait bêtement faire. Elle
s'était assise dans l'herbe, devant la maison. Un rayon de soleil la
réchauffait. Elle ne pensait plus. Le vieux s'approcha.
-Vous devriez dormir un peu, quand
même.
-Je ne peux pas.
-Vous voulez discuter ?
-Qui êtes vous ? Pourquoi est-on
arrivés ici ? Qu'est-ce qui se passe ? Je suis fatiguée,
oui... fatiguée de tous ces mystères... Fatiguée d'être ballottée
au gré des mensonges et des révélations...
-... J'aimerais mieux attendre que ton
ami se réveille, pour expliquer ces choses-là.
-Dans ce cas, laisse-moi toute seule.
Le vieux la regarda.
-Pourquoi il dit que je suis
« l'élue » ? D'où est-ce qu'il tient cette idée
farfelue ? Pourquoi il vous l'a dit à vous ? Pourquoi ça
vous a fait tiqué ? Il vous connaît ?
-... Vous, on vous a dit que vous êtes
maudite. On a voulu vous enfermer. On vous a menti et on a été
jusqu'à tuer votre sœur pour pouvoir prouver que vous n'êtes pas
l'élue. Pour vous faire croire que vous êtes maudite.
-Vous en savez beaucoup pour quelqu'un
qui vit dans la forêt...
-Votre père est un homme dangereux,
mademoiselle. Il règne sur le pays avec une main de fer. Personne ne
l'aime, et malheureusement pour tout le monde il a le pouvoir. Même
ici, on ne peut pas échapper à son influence. Je me fais passer
pour un ermite fou afin qu'on me laisse tranquille, mais j'ai du
renoncer à toutes les bonnes choses de ce monde pour ça... pour ce
carré de pelouse et un peu de liberté... Toutefois, on ne peut pas
tous s'échapper, et beaucoup trop de personnes sont encore sous son
joug. Beaucoup souffrent pour les robes de ses filles, pour le vin de
sa carafe, pour les joyaux de sa couronne... Et il montre bien sûr à
tout le royaume que personne ne peut le renverser, parce qu'il a même
la force de tuer une de ses filles pour maintenir son hégémonie. Il
n'y a qu'une seule personne qui ait le pouvoir de le faire tomber, de
faire tomber sa tyrannie et de rendre sa liberté à tout un peuple.
-Ah oui ? Pourquoi est-ce que
j'ai deviné qui c'est... ? Et pourquoi je voudrais me mêler de
tout ça ? Comment je pourrais, à moi toute seule, renverser un
royaume ?
-Parce que vous êtes l'élue.
-Ça suffit avec ça...
-Vous avez passé le disque de votre
ami et êtes arrivée ici parce que je suis sensé vous permettre de
réaliser ce destin. Malheureusement pour vous, je viens juste de
prendre ma retraite. Ne me regardez pas comme ça. Oui, même les
adjuvants vieillissent. Maintenant, il faut que vous alliez chez un
petit neveu qui a tenu à prendre la suite. Pour tout vous dire, plus
personne ne vous attendait. Mais lui, il délire un peu, alors il a
tenu à reprendre le flambeau. Il est parfois un peu buté, mais
c'est un gentil garçon. Je suis vieux et fatigué, il est jeune et
motivé. Il faut aller le voir, il vous expliquera ce que vous devez
faire.
-Arrêtez de croire que je suis
l'élue. Puisque vous le dites, je veux bien vous croire ; je ne
suis pas maudite. Soit. Mais je n'en deviens pas moins une élue pour
autant. Je suis juste moi-même, ni plus ni moins, et aucune
prophétie ou foutaises de ce genre ne me fera changer d'avis.
-Mademoiselle, réfléchissez bien. Ne
dites pas de bêtises. Il est facile de comprendre que les dieux ne
vous ont pas donné certains dons pour que vous puissiez juste courir
dans les nuages...
-J'ai fui mon pays pour justement
pouvoir courir dans les nuages. Je ne vois pas où est le mal. Pas
pour retourner dans ma prison chercher la liberté. Les dieux nous
donnent des dons, à nous d'en faire ce qu'on veut. Laissez-moi
tranquille maintenant.
Le vieux rentra dans la maison. Mais
derrière sa fenêtre, il la regardait toujours.
« Ça fait combien de temps que
je n'ai pas couru dans les nuages... ? »
Ara leva le nez vers le ciel. Elle y
était. Elle baissa les yeux, regarda le sol. Le vieux était sorti
en courant de sa maison. Il la surveillait des yeux, depuis la terre.
Même là, elle ne pouvait plus être seule.
Elle promena son regard sur la forêt.
Tout était calme. Un vent doux soufflait. C'était l'été, les
oiseaux chantaient dans les arbres. Oui, elle était dans les nuages.
Elle pouvait facilement se faire repérer de là où elle était.
C'était comme ça que tout avait commencé d'ailleurs. Elle voulait
juste courir un peu ce jour-là. Elle avait travaillé plusieurs
jours d'affilé et elle n'avait pas eu une minute à elle. Elle était
restée plus longtemps que d'habitude en l'air. Et Eni l'avait vue,
et Eni l'avait fait fuir, et Eni l'avait protégée. Et maintenant
Eni dormait et elle pouvait courir de nouveau. Elle prit une grand
inspiration, se leva, et courut.
Elle se sentait si libre quand elle
courait dans les nuages ! Les obstacles étaient des nuages, le
paysage était fait de nuages. Le vent glissait sur son visage. Le
soleil bénissait toujours ses excursions. La seule limite à cette
liberté était dans son corps, quand ses poumons et son cœur
fatiguaient, quand elle ne sentait plus ses jambes. Alors, elle
devait redescendre. Sans ça, elle pouvait rester autant de temps
qu'elle voulait dans les nuages, car c'était sa volonté qui la
faisait voler si haut, sa volonté et rien d'autre.
Depuis un certain temps, Ara se disait
qu'elle vivait des temps bien noirs, bien sombres, alors que tout ce
qu'elle voulait, c'était éviter la pluie en passant par-dessus les
nuages. Elle voulait voir le soleil briller et les oiseaux voler.
Elle ne demandait rien de plus que ce bonheur simple. Alors elle
sentit poindre en elle un sentiment de colère extrême. Pourquoi ne
voulait-on pas la laisser tranquille ? Elle était, autrefois,
enchaînée à ce château où elle vivait, alors elle était partie.
Puis Eni avait voulu la ramener et elle avait du se battre pour
affirmer sa liberté. Et voilà qu'aujourd'hui on lui demande encore
quelque chose. On lui demande de faire ce pour quoi elle ne s'était
jamais préparée. Pourquoi elle ? Pourquoi pas une autre ?
-C'est trop injuste !
Elle hurlait à pleins poumons. Elle
courait et elle hurlait pour évacuer toute cette peine qu'elle avait
accumulé.
-Pourquoi moi ?!
De grosses larmes coulaient sur ses
joues. Elle ne voulait pas d'un destin pareil. C'était
l'exaspération, la fatigue, le courage épuisé qui venaient tous se
bousculer au bord de son cœur à cet instant. Elle courait, mais ce
n'était pas comme avant. Avant, elle fuyait son père, aujourd'hui
elle fuyait ce qu'elle ne pouvait fuir ; son destin.
Elle courut encore un peu. Et elle se
rendit subitement compte que depuis tout à l'heure, elle n'avait
fait que des allers-retours au-dessus de la cabane, sans s'en rendre
compte. Involontairement, elle était restée. Est-ce son corps, son
inconscient, ou une force encore plus puissante et mystérieuse ?
Elle était fatiguée de chercher des réponses. Elle répondit
elle-même : elle ne pouvait pas partir tout de suite, pas comme
ça.
Elle descendit, elle s'endormit.
Enfin.
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