La fille de l'air (11)
Je suis malade en ce moment, alors c'est assez fatiguant d'écrire... mais je pense à vous, et je me dis qu'attendre la suite doit être beaucoup douloureux !
Ils se remirent en route. Ara se laissait porter, Eni ne disait plus rien. Cette discussion l'avait épuisé. Il avait fait sa confession, et dire autant de choses l'avait épuisé, autant physiquement (la petite pause qu'ils avaient fait ne valait quand même pas une bonne nuit de sommeil dans un lit, ce dont il avait besoin plus que tout à présent) que psychologiquement. Ara avait un coup d'avance maintenant. Elle savait des choses qu'il n'avait jamais avouées à personne et il allait avoir besoin d'elle quand il ne pourrait plus continuer. Au moment où ils allaient arriver, il s'effondrerait. Il l'avait sauvée dans le donjon, mais c'était elle qui devrait le protéger quand il tomberait. Il arrivait à peine à soutenir Ara sur ses épaules à présent, elle glissait souvent et ses jambes tremblaient. Il tendit la paume, encore une fois, pour ouvrir un disque.
Ara, elle, repassait en boucle ses dernières paroles "tu n'es pas maudite...." Comment était-ce possible ? Comment lui, petit avorton, simple fils de fille publique pouvait bien contredire toute sa famille, toutes ses croyances, toutes ses certitudes, toutes ces paroles répétées par son père ? Et puis il y avait Djou, qui avait tenté de lui faire croire la même chose... Après lui avoir dit ça, il s'était empressé d'ajouter qu'ils devaient repartir pour ne pas se faire rattraper, il avait ouvert un disque et depuis, Eni il ne parlait plus, concentré de plus en plus pour ouvrir le disque suivant. Peut-être qu'en arrivant, Ara aurait la réponse à toutes ses questions. Elle ne comptait pas le laisser partir sans lui parler. Elle voulait des réponses, des certitudes. Elle avait l'impression que la fin de ce voyage allait mettre un terme à toutes ces interrogations. Ils n'avaient pas eu le temps de parler sérieusement jusqu'ici. La discussion de tout à l'heure, même si Eni la voulait exhaustive, n'était qu'un préambule. Et Ara en avait assez des préambules. Elle en avait assez qu'on lui cache des choses.
Ils étaient tous les deux épuisés. L'un se dévouait corps et âme à celle qu'il portait. Elle, fatiguée, interdite, ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Elle avait commencé par faire confiance, la seconde suivante, elle était trahie, et c'était celui en qui elle avait le moins cru qui la sauvait. C'était incompréhensible, ça n'avait ni queue ni tête. Et c'est pour ça qu'elle ne lui faisait toujours pas confiance. Elle n'arrivait plus à se dire qu'elle pouvait placer sa confiance en qui que ce soit. Lui, en bonne bête, la portait sans rien dire. Il ne pensait pas sauver une princesse, il pensait récupérer un avenir, une puissance. Il voyait en elle une sorte de nouveau soleil qui allait construire un nouvel horizon. Lui était né libre, il était comme elle, et ne pouvait pas s'imaginer qu'on lui ait fait croire qu'elle était maudite. Lui flottait dans le ciel pour regarder les étoiles, pour observer les poissons au milieu de l'étang. Lui ouvrait des disques pour échapper aux garnements qui l'importunaient en sortant des cours, pour piquer de quoi manger pour lui et sa mère. Elle courait pour fuir, se sacrifiait pour mettre un terme à sa souffrance. C'était trop stupide. C'était du gâchis.
Eni ouvrit un disque. Et s'arrêta devant pour reprendre son souffle. Le disque flottait dans les airs, comme tous les autres, mais d'une manière terrifiante. Les autres disques qu'il avait ouvert étaient transparents ; on voyait à travers comme à travers une très mauvaise loupe, mais on voyait à travers. Celui-là était d'une noirceur telle qu'il donnait l'impression que celui qui allait y plonger allait s'engouffrer dans un abîme. Ce n'était même pas un noir honnête, comme celui de nos yeux, ce noir là donnait l'impression d'avoir une âme et il ne tenait qu'à une chose : dévorer. C'était un noir épais, brumeux, multiple, insaisissable. Il voulait aspirer. Il n'offrait pas un passage, une fuite, il se dressait, menaçant, devant ceux qui n'ont plus d'issues. Refuge ou gouffre ? là était le fond du problème. Toutefois, pour Eni, ce n'était pas face à un danger qu'il se trouvait. C'était un risque inévitable mais nécessaire. C'était la première fois qu'il traversait ce disque mais lui faisait confiance pour les mener à bien. Ara ne voyait, dans cette obscurité, que la promesse d'être avalée. Terrifiée, elle reculait sur le dos d'Eni. Elle aurait préféré faire marche arrière.
-C'est la fin.
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